En effet, la plupart de ces savans ne sentent plus les choses en elles-mêmes. Ils sont comme ces imaginations faibles, qui, subjuguées par léclât des dignites et des richesses, admirent dans la bouche dun grand ce quils trouveraient pitoyable dans celle dun homme du commun. Ainsi, lacienne réputation et les langues savantes leur imposent, et changent tout à leurs yeux. Telle pensée quils entendent tout les jours en François sans y prendre garde, les enlève sils viennent à la rencontrer dans un auteur Grec. Tout pleins quils en sont, ils vous la citent avec emphase; et si vous ne partagez pas leur enthousiasme, Ah! sécrient ils, si vous saviez le Grec! Il me semble entendre le héros de Cervantes, qui, parcequil est armé chevalier, voit des enchanteurs où son écuyer ne voit que des moulins.
Tel est linconvénient ordinaire de lérudition, et il ny a que les esprits du premier ordre qui puissent léviter. Lignorance, me dira-t-on na-t-elle pas aussi ses inconvéniens? Oui, ans doute; mais on a tort dappeler ignorans ceux mêmes qui ne sauraient ni Grec ni Latin. Ils peuvent même avoir acquis en François toutes les idees necessatre pour perfectionner leur raison et toutes les expériences propres à assurer leur goût. Nous avons des philosophe, des orateurs, des poete: nous avons même des traducteur où lon peut puiser toutes les richesses ancienne, dépouillées de lorgueil de les avoir récueillies dans les originaux. Un homme qui, sans Grec et sans Latin, aurait mis à profit tout ce qui sest fait dexcellent dans notre langue, lemporterait sans dout sur le savant qui, par un amour déréglé des anciens, auroit dédaigné les ouvrages modernes---La Mothe, Réflexions sur la Critique, p.148
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